Une vision stratégique pour le Kazakhstan 

Dans la continuité des mesures de démocratisation engagées depuis le début de son mandat, le président Kassym-Jomart Tokayev a proposé une trentaine de réformes constitutionnelles et l’adoption de 20 nouvelles lois qui entérinent le passage d’un « régime super-présidentiel » – adapté à la période post-soviétique pour maintenir l’unité du pays mais aujourd’hui dépassé – à une république présidentielle où le pouvoir du Parlement est renforcé. Son discours intitulé « New Kazakhstan : Path of Renewal and Modernisation » (« Nouveau Kazakhstan : La voie du renouveau et de la modernisation ») marque l’ouverture d’un système plus équilibré destiné à consolider le développement du pays.

La fin du « super-présidentialisme »

Tokayev souhaite mettre fin au népotisme en inscrivant dans la constitution l’interdiction aux proches parents du président d’occuper des postes-clés de la fonction publique ou parapublique. Selon le chef d’État, le président ne devrait plus avoir le droit d’annuler ou de suspendre les actes des gouverneurs des régions et des maires des villes principales, ou encore de révoquer les maires de district ou les maires ruraux. « Le rejet des pouvoirs présidentiels excessifs sera un facteur important qui assurera l’irréversibilité de la modernisation politique du pays » assure-t-il. Cela participe à « l’éradication du favoritisme et des monopoles dans toutes les sphères de la vie ». Une des premières mesures consiste à interdire au président d’être membre d’un parti à partir du moment où il est élu afin que la pluralité des partis soit maintenue dans le paysage politique national.

En outre, le système électoral qui jusque-là était uniquement proportionnel devient un système mixte proportionnel et majoritaire. Lors de la prochaine élection en 2023, 30% des députés de la chambre basse seront élus à la majorité sans passer par un parti politique. Alors qu’il fallait auparavant 20 000 membres déclarés pour qu’un parti puisse espérer présenter des candidats aux élections, le seuil d’enregistrement est abaissé à 5 000, toujours dans l’optique d’encourager le multipartisme [1]. Par ailleurs, le nombre de parlementaires directement nommés par le président est substantiellement diminué de 15 à 10 pour les sénateurs et de 9 à 5 pour les députés tandis que les pouvoirs de la chambre basse sont renforcés. Enfin, les réformes opèrent une décentralisation de l’État passant par des élections municipales au suffrage universel et des élections régionales au système mixte proportionnel-majoritaire.

En guise de garantie, la Cour constitutionnelle sera rétablie en remplacement du Conseil constitutionnel et pourra être directement saisie par les citoyens. « Les initiatives proposées changeront fondamentalement les ‘règles du jeu’ et constitueront une base solide pour la poursuite de la démocratisation de notre société » rajoute Tokayev.

Des hauts fonctionnaires impliqués dans les émeutes

C’était aussi l’occasion pour Tokayev d’éclairer les circonstances obscures qui ont transformé les manifestations pacifiques de début janvier 2022 en émeutes insurrectionnelles. Après avoir souligné la gravité de cette crise, le président a reconnu l’implication de hauts fonctionnaires qui auraient « utilisé le peuple à des fins criminelles » pour renverser le pouvoir. « Les conspirateurs ont formé un groupe clandestin de mercenaires professionnels, de bandits armés et de traîtres parmi les fonctionnaires. Les ennemis internes et externes de notre État se sont unis pour prendre le pouvoir. Ils ont guidé des manifestations pacifiques dans un sens destructeur ». Il désigne par-là certains membres puissants du clan proche du pouvoir depuis l’indépendance qui se sont accaparés les richesses du pays et qui auraient réagi contre la politique de modernisation démocratique et libérale engagée depuis le début 2019.

Ces personnalités seront traduites en justice quels que furent leurs rôles dans le passé tout comme les agents des forces de l’ordre qui ont utilisé des méthodes d’interrogatoire illégales voire la torture contre des détenus. « De telles manifestations barbares moyenâgeuses sont contraires aux principes de toute société progressiste. Elles sont inacceptables pour nous » explique-t-il avant de souligner le travail collaboratif de la commission des droits de l’homme, des commissions publiques d’enquête et du bureau du Procureur.

Si la tâche reste immense pour construire ce « nouveau Kazakhstan », le président peut compter sur le soutien et les espérances d’une population qui observera avec attention la mise en place de ces réformes.

https://www.revue-internationale.com/2022/03/reformes-kazakhstan-annonces-president-tokayev/